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Critique de Fulgrim par Maestitia

Publié le Jeudi 7 juin 2012 | 6 corrections après publication

— C’est comme si vos statues étaient trop parfaites. Comme si vous les aviez sculptées avec votre tête plutôt que votre cœur.

— Est-il seulement possible que quelque chose soit trop parfait ? avait demandé Fulgrim. Dans une certaine mesure, tout ce qui est beau et noble est le produit de la raison et de la réflexion.

— L’art n’est pas fait de raison, il nous vient du cœur, l’avait contredit Ostian. Sans passion, vous pourriez travailler avec toute la perfection technique de la galaxie et vous ne feriez que gâcher vos efforts.

— La perfection absolue existe, avait rétorqué Fulgrim. Le but de nos existences est de trouver cette perfection en nous et de la faire valoir, en mettant de côté tout ce qui nous limite.

Ostian avait secoué la tête, trop emporté par son propos pour voir monter le courroux du primarque.

— Non, monseigneur. Car l’artiste qui rechercherait la perfection en toute chose ne produirait plus rien. L’essence de l’être humain est de ne pas chercher la perfection.

— Et qu’en est-il de vos propres créations ? l’avait questionné Fulgrim. Ne cherchez-vous pas à ce qu’elles soient parfaites ?

— Les gens sacrifient ce qu’ils pourraient avoir en cherchant la perfection qu’ils n’obtiendront jamais et en la cherchant là où ils ne peuvent pas la trouver, avait répliqué Ostian. Si j’attendais de trouver la perfection, je n’en aurais jamais terminé.

— Très bien. C’est vous qui êtes l’expert, avait fulminé le primarque.

Ostian s’était soudain rendu compte avec horreur du déplaisir qu’il lui avait causé. Une colère réprimée battait dans les veines de ses joues et les yeux de Fulgrim étaient devenus comme deux perles noires. Ostian avait été empli de terreur par les abîmes de convoitise qu’il y avait vus.

Au-delà du désir qu’avait le primarque de transcrire la beauté par la peinture ou la sculpture, Ostian avait vu la compulsion obsessive d’atteindre une impossible perfection, un désir qui ne laisserait aucun obstacle se dresser devant lui. Trop tard, Ostian avait compris que malgré sa demande, Fulgrim n’était pas venu chercher de réponse honnête, mais avait sollicité une validation de son travail, et des mensonges doucereux qui auraient conforté son ego.

— Monseigneur… murmura-t-il.

— Ça n’a pas d’importance, avait dit Fulgrim sur un ton acerbe. Je vois que j’ai eu raison de venir vous parler. Plus jamais je ne manierai le burin, car cela me fait clairement perdre mon temps.

— Non, monseigneur, ça n’est pas…

Fulgrim avait levé la main pour lui épargner de voir répondre.

— Je vous remercie pour le temps que vous m’avez accordé, maître Delafour, et je vous laisse poursuivre votre travail imparfait.

Fulgrim de Graham McNeill est un roman profondément contrasté : sublime par instants, insupportable à d’autres, mais toujours ambitieux. Le livre s’attarde autant sur la gloire passée des Emperor’s Children que sur leur lente corruption, et ce basculement progressif est clairement la force principale du récit.

L’histoire suit Fulgrim et sa IIIe Légion au sommet de leur quête de perfection. Le début du roman présente une fraternité soudée, des officiers loyaux, des guerriers d’une noblesse rare. Puis vient le glissement, discret au départ, presque imperceptible : une soif de sensations décuplée, un culte du beau poussé trop loin, une obsession de la perfection qui commence à dévorer ceux qui la recherchent.

Ce qui donne au roman sa richesse, ce sont les personnages qui incarnent encore le meilleur de la Légion : Solomon Demeter et Saul Tarvitz. Humilité, courage, loyauté, ils sont le miroir inversé de tout ce que Fulgrim va perdre. Ils empêchent l’ensemble de sombrer dans la caricature et rappellent que les Emperor’s Children n’étaient pas tous condamnés.

La relation entre Fulgrim et Ferrus Manus est l’autre moteur émotionnel du roman. Leur fraternité improbable fonctionne très bien : l’esthète et l’artisan, l’impulsif et le pragmatique, deux opposés magnifiquement complémentaires. Cette amitié rend les événements finaux d’autant plus cruels et tragiques.

Enfin, l’auteur ose la démesure. La Maraviglia est une descente en enfer orchestrée avec une précision malsaine : une orgie de sons, de couleurs, de plaisirs déviants. McNeill se lâche complètement, et ce chapitre à lui seul justifie la lecture par son intensité grotesque et fascinante.

Et au milieu de tout ça, Fabius Bile s’impose comme un personnage fascinant. L’apothicaire fou, savant monstrueux et visionnaire déviant, incarne parfaitement la frontière entre amélioration et profanation. Il représente l’esprit de la Légion poussé à son extrême logique.

Fulgrim est donc un roman riche, parfois éprouvant, mais qui capture parfaitement la chute de la IIIe Légion. Ce n’est pas qu’une histoire de corruption : c’est une tragédie.

Les plus

  • La personnalité de Fulgrim décryptée et analysée, sa métamorphose et sa psychologie.
  • Solomon Demeter et Saul Tarvitz, véritables cœurs battants du roman, lumineux et héroïques sans jamais être naïfs.
  • Un livre de plusieurs centaines de pages, de quoi lire.
  • Une montée en tension progressive, très bien orchestrée.

Les moins

  • La progression de Fulgrim aurait parfois mérité plus de nuance dans la seconde moitié.
5/5

Fulgrim est une tragédie baroque qui explore la beauté, l’orgueil et la corruption avec une intensité rare. McNeill réussit à rendre la chute de la IIIe Légion aussi séduisante que repoussante, aussi grandiose que pathétique. Ce roman marque par ses personnages, mais surtout par sa capacité à montrer comment une quête de perfection peut devenir une spirale de décadence.
C’est un livre qui s’apprécie autant pour ses excès que pour ses moments de grâce. Une pièce essentielle de l’Hérésie d’Horus, à la fois spectaculaire et profondément triste.